Le statut des tortues marines en Nouvelle-Calédonie
La Nouvelle-Calédonie abrite des sites de pontes connus pour 2 espèces de tortues marines, la tortue caouanne (Caretta caretta) et la tortue verte (Chelonia mydas). Des Tortues luths (Dermochelys coriacea) et olivâtres (Lepidochelys olivacea) peuvent également être aperçues de façon marginale dans le lagon calédonien.
Présentation des 3 espèces résidentes :
La Nouvelle-Calédonie abrite des sites de ponte pour la tortue caouanne (caretta carreta). Ces sites revêtent une grande importance pour le maintien de l’espèce au sein de son Unité Régionale de Gestion puisque le territoire possède, au niveau des plages de Bourail (Baie des tortues et Roche Percée), le 2e plus grand site de ponte connu dans le Pacifique Sud-Ouest. Des sites de pontes équivalents sont également connus dans le Grand Lagon Sud.
Alors que la tortue caouanne est classée « Vulnérable » (VU) au sein de la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), elle est classée « En danger critique d’extinction » (CR) en Nouvelle-Calédonie
Les sites de ponte pour la tortue verte en Nouvelle-Calédonie sont quant à eux d’une très grande importance pour la conservation de l’espèce à l’échelle globale, à travers notamment les sites du plateau des Chesterfield et des récifs d’Entrecasteaux, avec entre 50 000 et 100 000 montées de femelles recensées chaque année. À contrario, les pontes sont très peu présentes au niveau des îlots et du littoral de la grande terre.
La tortue verte est quant à elle classée « En danger » (EN).
Enjeux, pressions et menaces
Les tortues marines sont menacées
L’habitat des tortues marines est potentiellement soumis à de fortes perturbations, auxquelles s’ajoutent les menaces pesant directement sur l’espèce :
Le braconnage, les collisions avec les embarcations nautiques, les captures accidentelles dans les filets de pêche, et le dérangement par les lumières sont les principales menaces pesant sur les tortues marines. La dégradation de leur habitat par les activités humaines (mouillages inadaptés, urbanisation, développement des infrastructures sur le littoral, agriculture non raisonnée, développement minier, etc.) sont des pressions supplémentaires pouvant également remettre en cause la pérennité de l'espèce.
Stratégies de conservation
Enjeux de conservation - de l'international au local
À l’échelle internationale
À l’échelle mondiale, les tortues marines sont présentes dans tous les océans à l’exception de l’océan Arctique. Partout, leur état de conservation est précaire puisque 6 des 7 espèces sont considérées comme menacées. Seule la tortue à dos plat ne partage pas cet état de fait, car les scientifiques ne possèdent pas suffisamment de données pour étayer son état de conservation. Ce constat justifie l’inscription de toutes les espèces à l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES – Convention de Washington, 1973), prohibant l’exploitation commerciale de ces animaux ou de toute partie d’un individu sauf dérogation.
Toutes les tortues marines sont également inscrites à l’annexe I et II de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS – Convention de Bonn, 1979). Cette convention internationale reconnaît notamment en préambule que l’intégralité des tortues marines constitue, à l’instar des autres espèces citées par la CMS, « un élément irremplaçable des systèmes naturels de la Terre, qui doit être conservé pour le bien de l’humanité ».
À l’échelle du Pacifique
Le Programme Régional Océanien de l’Environnement (PROE) est la principale structure de coopération des états insulaires du Pacifique. Elle vise à soutenir le partage de connaissances, de ressources et d’expériences à l’échelle régionale dans la mise en place de mesures de gestion et de conservation du patrimoine naturel. Les tortues marines, en tant qu’espèce migratrice, nécessite une entente entre les différentes nations et la mise en place d’actions concertées. C’est pourquoi que ces animaux sont intégrés au Programme Régional des Espèces Marines (PIRMSP) du PROE (2022-2026), une stratégie régionale qui vise à faciliter la conservation et la gestion coopérative, non seulement des tortues, mais également des dugongs, baleines, dauphins, ou requins, sous la forme de plans d’action.
À l’échelle locale
Depuis toujours, la tortue est un animal sacré, emblématiques dans les traditions et coutumes mélanésiennes (fête de l’igname, intronisation de chefs, mariages, deuils…). Les tortues marines bénéficient d’un statut légal de protection par les codes de l’environnement provinciaux qui en interdit la chasse. Des dérogations provinciales sont cependant possibles pour certains évènements coutumiers (avec un quota et une taille définie).
Province Sud
Les 3 espèces de tortues marines nicheuses en Nouvelle-Calédonie sont protégées au titre du Code de l’Environnement de la Province Sud. Ainsi, l’article 240-3 interdit notamment (mais non seulement), que ce soit pour tout ou partie de l’animal, la destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la capture, la mutilation, la consommation, la perturbation intentionnelle, la naturalisation des spécimens de tortues marines, leur détention, leur transport, ou encore leur utilisation commerciale. Tout contrevenant s’expose à une amende d’1 780 000 XPF et jusqu’à 1 an d’emprisonnement. Des dérogations particulières sont toutefois possibles, comme c’est le cas sur l’Ile des Pins : depuis 2021, en présence des 8 représentants des chefferies de l’île, la signature d’un protocole avec la Présidence de la Province Sud permet notamment la capture dérogatoire de 8 tortues de taille inférieure à 80 cm pour la fête de l’igname ou pour les intronisations du Grand Chef et des chefs de tribu.
Province Nord
En Province Nord, les 3 espèces de tortues marines nicheuses sont également protégées. La tortue verte est toutefois concernée par une certaine exception, puisque la pêche coutumière est possible par dérogation (article 252-4 du Code de l’Environnement), dans des proportions bien définies et pour des animaux dont la carapace n’excède pas 1m de longueur au maximum, dans le cadre de cérémonies par exemple. Le Code de l’Environnement de la Province Nord (article 251-2) prohibe de manière générale la destruction, la mutilation, le dérangement, la détention de tout ou partie de l’animal, la collecte d’œufs, le transport, et l’utilisation commerciale des tortues marines, ainsi que l’altération directe ou indirecte de leurs habitats. Les contrevenants s’exposent à une amende d’1 073 000 XPF.
Province des Îles Loyauté
En 2023, la Province des Iles Loyauté, a souhaité conférer aux tortues marines (ainsi qu’aux requins) une personnalité juridique. L’idée étant de donner à ces animaux le statut de « sujet de droit », ce qui leur confèrerait une « entité naturelle ». Ainsi, les tortues marines possèderaient les mêmes droits qu’une personne, et pourraient dès lors faire valoir leurs intérêts, individuellement ou collectivement, par la voix d’un avocat. Toutefois, suite à l’inscription de ce statut au sein du code de l’environnement de la Province des Iles Loyauté, le Conseil d’Etat a précisé que la compétence en droit civil ne revient pas aux provinces mais au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Des zones protégées
Au-delà des dispositions propres aux tortues marines, la Nouvelle-Calédonie dispose en outre de vastes zones sanctuarisés, réserves, et autres aires de gestions durables des ressources, protégeant directement ou indirectement sites de ponte, zones de nourrissage, ou encore sites de reproduction pour les tortues. Si le porte-étendard est bien entendu l’inscription en 2008 de plusieurs zones du lagon au titre du patrimoine mondial de l’Unesco, la Nouvelle-Calédonie peut également mettre en avant bien d’autres sites particuliers : la Réserve Naturelle Intégrale Yves Merlet ou encore l’aire de gestion durable des ressources de l’Ilot Canard en Province Sud, la Réserve Naturelle de la Baie de Nekoro en Province Nord, ou encore la Parc Naturel de la Mer de Corail dépendant du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les exemples ne manquent pas. Car plus globalement, c’est près de 10% de la Zone Économique Exclusive (ZEE) de la Nouvelle-Calédonie qui sont placés en réserve et bénéficient d’un statut de protection fort depuis le 1er janvier 2024.
Un plan d’action tortue
À l’échelle pays, le plan d’action tortue en Nouvelle-Calédonie (PAT) a été mis en place en 2017 (pour une mise en application à partir de 2018), avec les collectivités locales et les associations dans l’objectif d’élaborer et mettre en œuvre une stratégie de conservation concertée pour les différentes espèces de tortues marines fréquentant les eaux calédoniennes et leurs milieux associés.
Fonctionnant sur une programmation par phase de 5 ans, le plan d’action tortue est actuellement dans sa première phase. En 2024, une évaluation de cette première phase du plan a été réalisée.
L’objectif est de pouvoir construire une connaissance partagée sur les enjeux locaux de conservation des tortues marines, mais également de s’inscrire dans les dynamiques régionales et internationales. En effet, les travaux menés en Nouvelle-Calédonie contribuent, dans la mesure du possible, à la mise en œuvre des axes de travail prévus dans le cadre des plans d’actions quinquennaux du PROE.
La gouvernance du PAT
Son fonctionnement est basé sur un travail collaboratif regroupant les institutions, des associations environnementales et des acteurs de la recherche.
Les membres du plan d’action tortue :
Après une première phase d’animation du PAT entre 2018 et 2023, pilotée par le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et l’Etat, une seconde phase d’animation est en cours depuis janvier 2024, dont le portage a été transféré à l’ANCB.
PHASE 1 (2018-2023)
La première phase du plan d’action tortue oriente sa stratégie sur l’amélioration de la connaissance, la lutte contre les menaces en mer et à terre, la sensibilisation et, le cas échéant, la coopération transfrontalière.
La phase 1 du plan d’action s’articule autour de 5 grands objectifs à long terme (OLT) :
- OLT 1 : Le rôle de la Nouvelle-Calédonie dans l’écologie des tortues marines à l’échelle locale et régionale est connu
- OLT 2 : Les pressions et menaces anthropiques sur les tortues marines sont connues et maitrisées
- OLT 3 : Les pressions et menaces anthropiques sur la conservation des habitats des tortues marines sont connues et maitrisées
- OLT 4 : La population est sensibilisée et mobilisée aux enjeux de conservation des tortues marines et leurs habitats
- OLT 5 : La gouvernance du PAT et la collaboration régionale sont efficientes
Ces OLT se divisent en 23 objectifs et 46 sous-objectifs, et, pour une meilleure efficacité opérationnelle, se matérialisent en 86 actions concrètes.
Le bilan de la phase 1 a été réalisé par l’ANCB en 2024.
Les actions pilotées par l’ANCB
Actions en cours de dimensionnement et de recherche de financements pour leur mise en œuvre :
En savoir + sur la biologie des tortues marines
Pour en savoir plus sur cette espèce emblématique de Nouvelle-Calédonie, consultez ce livret explicatif.